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SOLAR GENESIS

REPORTAGE POOL ⎮ FRANCIS DEMANGE  SÉBASTIEN DI SILVESTRO

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100 milliards de tonnes par jour : c’est la quantité de matière qui se sublime quotidiennement dans la combustion thermonucléaire de notre Soleil. Ses explosions soufflent dans l’espace des vents solaires capables d’atteindre une vitesse de 800 kilomètres par seconde, de perturber les sondes et satellites en orbite autour de la planète. Et même, sous forme d’orage magnétique, de couper le courant sur Terre à leur point d’impact. Le Soleil, à plus de 5000°C en surface et 15 millions de degrés en son cœur est une étoile des plus difficiles à étudier. Pourtant sa matière première datant de son embrasement il y a environ 4,5 milliards d’années, contient le secret de l’origine de notre système et donc de la naissance de la vie sur Terre. Pour tenter de résoudre cette énigme, la Nasa a envoyé en 2001 une sonde baptisée GENESIS qui passera 800 jours face au Soleil, pour récupérer cette précieuse matière extra-terrestre dans les conditions les plus extrêmes. Au terme d’une aventure scientifique extraordinaire, en 2007, le Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques de Vandoeuvre-les-Nancy fait tomber ses premiers résultats : la composition de l’azote du Soleil et de la Terre est identique. Idem pour Mars, Vénus et Mercure. Plus loin, les géantes gazeuses du cercle extérieur, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune, présentent à contrario une signature différente. Dès lors, l’histoire de notre système solaire, de ce nuage de gaz primordial tournant autour de notre étoile incandescente pour former l’ensemble des planètes de notre système est entièrement remise en question. Est-ce qu’un second nuage venu d’une autre région intersidérale aurait formé les planètes extérieures ?  Ou s'agit-il d'un processus chimique encore inconnu ? Juste avant la publication dans la revue « SCIENCES » des conclusions du Professeur Marty, le responsable de cette enquête cosmique, l’information commence à circuler dans le milieu scientifique qui retient son souffle. Ses travaux au niveau de l’atome dessinent dans l’espace un formidable point d’interrogation qui conduira peut-être à réécrire les manuels scolaire pour y raconter une nouvelle histoire de la Terre.

Cette épopée scientifique prend son essor dans le défi de l’infiniment grand pour se résoudre dans l’infiniment petit. De la collecte de particules dans l’espace à l’analyse à une échelle atomique, l’enquête sur l’origine de notre système solaire est constellée de difficultés techniques à résoudre une à une. Avec cette curiosité inépuisable face à l'ampleur cosmique de la tâche. Comme le résume avec humour Bernard Marty - Professeur de Géochimie à l'école Nationale Supérieure de Géologie et Directeur du Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques de Vandoeuvre (CNRS), Membre de la Team Genesis, élu cette année « Fellow » par l'American Geophysical Union, une distinction figurant parmi les plus importantes en Sciences de l'Univers : enquêter sur l’origine du système solaire revient à « observer un œuf au plat cuit pendant deux jours pour en déduire l’œuf de la poule ».

 

Pour obtenir l’agrément de la Nasa en 1997 permettant de rejoindre le petit nombre de laboratoires élus pour travailler sur des échantillons de matière extra-terrestre, le professeur Marty a élargi l’objet de ses recherches à la cosmo chimie tandis que le docteur Marc Chaussidon équipait le centre d’une sonde ionique d’un nouveau type. Cette sonde sert à analyser avec une très grande précision les concentrations et les compositions isotopiques des matières au niveau atomique et donc de trier les différents éléments. Cette machine a déjà rendu possibles deux premières mondiales : une première étude sur le dépôt des vents solaires à la surface des pierres lunaires ramenées par les missions Apollo, transportées sur le sol français par valise diplomatique et retirées à l’ambassade américaine. Puis, une seconde étude, en 2006, sur les gaz rares contenus dans la chevelure de la comète Wild 2 acheminés sur Terre par la mission « Stardust » et livrés cette fois par simple colis postal. Présélectionné pour travailler sur la mission Genesis, qui pour la première fois, s’apprêtait à collecter des particules provenant directement du Soleil, le laboratoire vandopérien avait décidé de se focaliser sur l’étude de l’azote. Simplement par ce que cet élément est le troisième plus présent dans l’univers, qu’il représente sur Terre les 4/5ème de notre air. En analysant sa signature isotopique et en le comparant à celles d’autres corps célestes comme on comparerait l’ADN de différents individus pour déterminer leur lien de parenté, l’équipe du professeur attendait ses premiers échantillons de vents solaires avec impatience. D’autant plus que ce rapprochement de signatures caractéristiques est aujourd’hui rendu possible par des observations distantes (moins précises) d’autres planètes réalisées par des sondes. C’était sans compter sur l’extraordinaire difficulté de la mission spatiale Genesis.

300 MILLIONS DE DOLLARS ET UN CRASH.  

 

Genesis a été lancée le 8 août 2001 de Cap Canaveral pour collecter ces particules de vents solaires. La sonde a été injectée entre la Terre et le Soleil, à un point situé à 1,5 millions de km de la Terre, pour effectuer 5 révolutions autour d’un point où les attractions terrestres et solaires s'équilibrent (point Lagrange L1). Du 3 décembre 2001 au 1er avril 2004, les différents collecteurs de particules réalisés en nid d’abeilles taillé dans les matériaux les plus purs, du saphir recouvert de 300 nanomètres d’or, ont été exposés aux violentes émissions solaires pour recueillir ces particules «fossiles» de la nébuleuse solaire originelle. La mission s’est parfaitement déroulée jusqu'au retour de la capsule sur Terre. Après avoir ralentit en entrant dans l'atmosphère, les 2 parachutes successifs ont refusé de s’ouvrir du fait d’un accéléro-mètre monté à l'envers (organe permettant l'ouverture des parachutes). Les hélicoptères qui devaient l'attraper au vol non rien pu faire. Et Genesis est entrée en contact avec le sol à 160km/h, éventrée, avec sa cargaison ouverte à la pollution terrestre, inexploitable. « Lors du retour de la capsule, une batterie de journalistes attendaient devant le centre. Il sont vite repartis », résume avec humour le professeur Marty. Les espoirs de la communauté scientifique et 300 millions de dollars de budget venaient de se volatiliser dans une piteuse démonstration des lois de la pesanteur. Les ingénieurs du Johnson Space Center de Houston ont néanmoins extrait méticuleusement chaque fragment en salle blanche et fait plancher les différents laboratoires sur les possibilités de récupérations. A nouveau, les échantillons souillés ont été expédiés par simple colis postal avec suivi au CRPG de Vandoeuvre qui a mis deux ans pour trouver une procédure adaptée. Dans le laboratoire de l’équipe du professeur Marty se trouve un laser généralement couplé à un spectrographe de masse permettant l’analyse des gaz rares. Le problème consistait donc à trouver un réglage et une intensité permettant sans plus endommager les fragments de récepteurs, de gratter la surface polluée par le contact avec la Terre. Le second problème de taille résidant précisément dans les échelles : il fallait procéder à l’ablation de 2 millionièmes de millimètres ! Le tout, dans l’ultra vide... Le CRPG, en mobilisant toute son équipe, a réussi cette incroyable prouesse. Une vérité se révélant toujours par dévoilements successifs, les résultats de l’analyse des ces échantillons sains constituerait l’apogée de la surprise.

UN  SYSTÈME SOLAIRE DIFFÉRENT ET UNIQUE  

 

En 2005 le docteur Chaussidon également rattaché au CRPG avait publié dans la revue « Nature » une étude portant sur 38 grains ramenés de la Lune par les missions Apollo. L’idée de départ était d’étudier le dépôt de particules de vent solaires à la surface de ces grains parfaitement conservés par le sanctuaire de la Lune qui, ne comportant pas d’atmosphère, ne pouvait théoriquement pas altérer leur composition. Ses conclusions étaient que la composition de l’oxygène du Soleil, de la Terre et de Mars devaient être très différents du fait de réactions très particulières lors de leur formation dans un flux intense de lumière ultraviolette. Or, l’analyse des échantillons de Genesis, provenant directement du Soleil, révèle une signature isotopique identique. Les planètes telluriques (solides) : la Terre, Mars, Vénus et Mercure, proches du soleil, possèderaient donc bien une origine commune avec leur étoile tandis que les géantes gazeuses du cercle extérieur, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune présentent un profil différent qui ne peut, en l’état de cette découverte, avoir la même origine. La représentation de la création de notre système solaire par un nuage de gaz unique articulant progressivement la matière autour du Soleil, ne peut plus tenir. La composition centrale de notre système solaire diffère trop de sa composition extérieure. Bernard Marty avance deux hypothèses : « Soit nous sommes dans un système solaire hétérogène constitué de deux nuages moléculaires provenant de régions intersidérales différentes. Soit ont existés lors de la formation du système des processus d’irradiation différents qui nous sont encore inconnus». Cette importante révélation qui remet en cause nos fondamentaux s’accompagne encore d’une réflexion plus large. « L’étude d’exo planètes souligne le caractère atypique de notre système solaire. Ailleurs, les planètes géantes sont les plus proches du Soleil. Cette chaîne de tests qu’est le développement de la vie trouve dans notre système un maximum de possibilités offertes à la matière pour se combiner », analyse le professeur Marty. Et si les briques essentielles de la vie ont toujours été dans cette matière originelle, force est de constater que la Terre, par sa position, son satellite, l’éloignement des géantes gazeuses, jouit de conditions de départ sans équivalent connu. Unique ? Dans l’attente de la publication de ses travaux dans la revue « Sciences » qui officialisera sa découverte, le professeur transmet ses données aux laboratoires américains, français, suisses et anglais, se déplace continuellement entre Taiwan, le Japon et la Suisse. La communauté scientifique retient son souffle, revérifie ses conclusions. Bernard Marty scientifique et philosophe s’attend à ce qu’un laboratoire réussissant à refaire les tests lui propose opportunément une co-signature... Il n’y est pas opposé. Son matériel provient de coûteuses missions essentiellement financées par les américains. Cependant sa découverte est celle d'un autre chapitre premier d’une histoire appartenant à l’humanité entière.

Sébastien Di Silvestro

 

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