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🇫🇷 FRANCE RIBEAUVILLE  SOCIETY

LA VIOLENCE DES VILLES DEBARQUE A LA CAMPAGNE

REPORTAGE POOL ⎮ FRANCIS DEMANGE  SÉBASTIEN DI SILVESTRO

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Friday 6.50pm: "bama" code, an armed robbery perpetrated by two hooded individuals armed with a revolver and a dagger has just been reported in a small petrol station in the Alsatian countryside. The alerts are launched, the traffic starts in a hurry. On the spot, a woman in a state of shock awaits the police. It is the second robbery in a week in this sector made up of a small dozen communes with less than 25,000 inhabitants. The modus operandi of the two robberies were similar and suspicions quickly turned to a 16 year old minor who was already in custody. Although the Ribauvillé Gendarmerie Brigade covers an area that has remained traditionally bourgeois, wine-growing and touristy, it has nevertheless noticed, like many regions of France, a proliferation of urban type violence. Despite a general drop in crime statistics since 2002, the forms of daily violence in towns and cities are now hitting the heart of rural France, while the Ministry of the Interior is considering closing 175 territorial brigades and 4 gendarme training schools "for greater efficiency".

Vendredi 18h50 : code « bama », un braquage à main armée perpétré par deux individus cagoulés munis d’un revolver et d’un poignard vient d’être signalé dans une petite station essence de la campagne alsacienne. Les alertes sont lancées, le trafic démarre en trombe. Sur place une femme en état de choc attend les gendarmes. C’est le deuxième braquage en une semaine dans ce secteur composé d’une petite dizaine de communes comptant moins de 25.000 âmes. Les modes opératoires des deux braquages présentant des similitudes, les suspicions s’orientent très vite vers un mineur de 16 ans dont la mise en garde à vue était déjà imminente. Si la brigade de Gendarmerie de Ribauvillé couvre une zone restée traditionnellement bourgeoise, viticole et touristique, elle constate cependant, comme de nombreuses régions de France, une prolifération des violences de type urbaines. En dépit d’une chute générale des statistiques de la délinquance depuis 2002, les formes de violences quotidiennes dans les villes et les cités frappent aujourd’hui le cœur de la France rurale alors que le Ministère de l’Intérieur envisage la fermeture de 175 brigades territoriales et de 4 écoles de formation de gendarmes « pour plus d’efficacité ».

Vendredi 19h15, neuf gendarmes arrivent sur le lieu du braquage, une petite station essence isolée, cernée par une obscurité propice. A l’intérieur, une femme d’une cinquantaine d’année raconte d’une voix chevrotante son calvaire aux gendarmes. Deux individus cagoulés ont fait irruption en lui pointant un revolver sur la tempe pour qu’elle ouvre la caisse qui venait d’être vidée quelques minutes plus tôt. Furieux, ils se rabattent sur la menue monnaie qu’ils ne parviennent pas à saisir à cause de leurs gants. Alors ils font tomber son contenu directement dans un sac et fauchent quelques paquets de cigarettes à la volée. En montrant la vidéo de surveillance aux gendarmes, le mari de la caissière prend conscience du choc brutal que vient de vivre son épouse. Tout s’est déroulé en 55 secondes fulgurantes. Les deux autres salariés de la station n’ont rien vu depuis le bureau d’en face. Personne n’a vu les deux individus s’enfuir, ni la voiture, ni rien qui puisse confirmer ou infirmer la présence d’un chauffeur. L’utilisation de gants empêche naturellement tout relevé d’empreinte digitale. A l’extérieur, le lieutenant Dejonghe, commandant de la brigade a été rejoint par le capitaine Le Neindre qui commande la compagnie de Colmar. Ensemble ils orchestrent la transmission des informations collectées et mettent immédiatement en place une surveillance routière. Les bandes de video-surveillance sont saisies et analysées image par image à la brigade. Très vite, des éléments identifiables ressortent tels que des marques de vêtements portés par les malfaiteurs, des chaussures de ville, une montre, et un poignard difficilement visible. Dans le bureau d’a côté, la victime encore tremblante sera entendue jusque 22H30. Le commandant fait un point mettant en évidence le rapprochement avec le braquage d’une baraque à pizza la semaine précédente. Il fait appel à deux hommes de la brigade de recherches de la compagnie de Colmar qui iront planquer « à tout hasard » devant le domicile du suspect de ce premier crime. Sous statut militaire, les hommes de la brigade savent qu’avec les interpellations à venir le lendemain, suivies de gardes à vues et d’éventuelles prolongations, ils ne sont pas prêts de prendre leurs quartiers libres. L’adjudant-chef Kusmierski, un ancien d’une cellule renseignement du Kossovo, fait le point dans son bureau sur les procédures en regardant par la fenêtre les vignes sous la neige en contrebas des maisons à colombages. Son autre fenêtre, récemment caillassée par « la » bande de jeunes à problèmes du coin conserve les volets tirés en témoignant du changement d’époque. Car si le quotidien de la communauté de brigades de Ribauvillé-Kaysesberg, composée de 22 hommes polyvalents, est fait d’enquêtes de police judiciaire, de vols, de cambriolages, de violences intra-conjugales, de problèmes d’alcoolismes, de contrôles routiers, la région reste assez tranquille, avec une délinquance en baisse, malgré le fait nouveau d’une bande de jeunes « de tous les coups fourrés » qui n’hésite pas à les provoquer régulièrement.

INTERPELLATIONS AUX DOMICILES DES PARENTS    

 

Le lendemain, le samedi à 11h30, le lieutenant débriefe ses hommes avec deux membres de la brigade de recherches en renforts. Malgré son age, la prudence est de mise avec un suspect potentiellement armé. A 12h37, les gendarmes tambourinent à la porte d’une maison résidentielle, sans réponse. Au bout d’un quart d’heure, des bruits parviennent de l’arrière de la maison d’où l’individu jette par la fenêtre des objets compromettants : des paquets de cigarettes et de la menue monnaie. Il finit par laisser entrer les gendarmes qui commencent la perquisition en attendant les parents. Durant une heure et dans le plus grand calme, le lieutenant expliquera patiemment la suite de la procédure à une mère désemparée avec cet enfant en rupture de longue date. Ils le menotteront discrètement en tenant à l’écart le petit frère et la petite sœur. Réalisant ce qui lui arrive, le suspect ressort pour être transporté dans le fourgon, bravache, livide et haineux. Placé en garde à vue, les enquêteurs commencent un long travail psychologique pour lui faire prendre conscience de la situation. En parallèle, la B.R a saisi des vêtements identiques à ceux de la vidéo qui confirment leurs soupçons pour les deux affaires. Le soir, le suspect finit par avouer le nom de ses deux complices, confirmant donc la présence d’un chauffeur, le seul à être majeur. A 20h33, il ne reste que 27 minutes de délais légal pour mener les interpellations. Bien enracinés dans leur communauté, les gendarmes connaissent bien les deux noms et savent où aller. Le colonel donne son feu vert. Pour gagner du temps, ils appellent le chauffeur présumé pour qu’il vienne de lui-même à la brigade. Pendant ce temps, ils filent dans le centre et frappent tout d’abord chez la grand-mère du 2ème suspect âgé de 16 ans, puis chez le père qui indique la présence de son fils chez un ami à quelques pas de là. Après lui avoir demandé de les suivre pour lui poser des questions, les gendarmes le menotteront un étage plus bas, le père se met en colère vraisemblablement routinière, il est 21 heures pile. Pendant les auditions, les hommes de la BR exploitent les sms et les appels téléphoniques suggérant une implication dans d’autres affaires : photos d’incendies d’une voiture, trafic de stupéfiants et des messages laissant à penser que deux des malfaiteurs sont aussi amants.

 

Le lendemain matin, « les petits caïds » ont laissé la place à des adolescents tourmentés qui avouent sans difficulté aux gendarmes où trouver les armes du braquage, leur implication dans d’autres affaires dont celle du caillassage de la brigade. Les gardes à vue sont prolongées et le premier suspect est présenté devant le TGI de Colmar. Les gendarmes ont partiellement reconstitué le cheminement de deux mineurs de 16 ans et d’un jeune adulte passés de la théorie à la pratique pour planifier 2 braquages comme des « pros » vraisemblablement pour rembourser une dette de 600 € liée à du stupéfiant. Cette affaire résonne en échos à un grand nombre d’autres similaires qui remontent des régions et se dissimulent dans une quantification globale. Car si les statistiques nationales de la délinquance baissent significativement depuis 2002, elles diminuent beaucoup moins vite en zone gendarmerie (95 % du territoire) qu’en zone police. Et ce malgré un taux d’élucidation en constante augmentation prouvant l’efficacité de son maillage militaire. La raison de cette résistance à la baisse provient de l’envolée des prix de l’immobilier qui pousse une population croissante à s’implanter dans la campagne. Entre 2004 et 2007, la zone gendarmerie a gonflé de plus de 2 millions d’habitants et les prévisions font état d’une poussée équivalente d’ici à 2012. Ce transfert de population tire son cortège d’incendies de voitures, de dégradations de cabines téléphoniques, de caillassages de bâtiments publics et autres violences plus coutumières des villes et des périphéries que des arrières pays auxquels s’ajoutent les difficultés d’enquêtes sur un vaste territoire à faible densité humaine, rendant une couverture étendue de la gendarmerie indispensable. Les auteurs de ces délits pouponnières aléatoires d’infractions plus graves, sont généralement issus de petites bandes de jeunes plus ou moins désoeuvrés flirtant avec une violence stylisée par les séries télé, le cinéma et les clips musicaux. Si la majorité de ces mineurs et jeunes adultes ne feront qu’un rapide crochet par cette petite délinquance, d’autres y sombreront inévitablement jusqu’à devenir de véritables criminels. C’est ce qu’a rappelé en préambule le juge d’instruction au premier suspect : « nous sommes dans la réalité, avec des vraies victimes et de vrais crimes.» Le jeune accuse le coup. Un cas d’école.

Sébastien Di Silvestro

 

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