BLACK AMAZONIA
⎮ Sébastien Di Silvestro
















BLACK AMAZONIA

Photographie : la Guyane, c’est encore quatre vingt dix pour cent de forêts, de fleuves, et le reste d’hommes, seulement. Les hommes sont créoles, noirs-marrons, chinois, amérindiens, brésiliens, hmongs, haïtiens, hindous… C’est à dire qu’ils se définissent encore par une culture, une appartenance qui n’a rien d’une lointaine origine. Chacun vit sa vie. Sa vie d’homme, sa vie d’un autre monde.
Les villes se sont entourées de fleuves gigantesques, langues lumineuses et puissantes qui chantent dans un idiome oublié la plénitude du retranchement. L’isolation totale. Citadelle au cœur de nature. Vie réelle. Vie dure. Vie lascive. Pragmatisme des hommes et des femmes. Chaleur des paroles, des gestes et des bas-ventres.
Pour un métropolitain, les forêts immenses restent et resteront forcloses. Elles se refuseront toujours à lui, dénieront toute valeur à ses symboles étrangers, ses priorités de classement et à cette façon si amicale de demander les noms des choses juste avant la meilleure façon de s'y prendre pour pisser. « Est ce que c’est vraiment traditionnel ? Une route ne défigurerait-elle pas une si belle façon de vivre ! ». Si vous avez déjà entendu le crin crin de cette partition pour orchestre à deux doigts, oubliez tout. Les concernés, les bien informés, en provenance direct de l'élevage du béton, toute l'engeance qui voyage, lit, regarde, écoute les élucubrations d’autres petits cons-colons bien informés et hautement concernés « contre la pollution, les chercheurs d’or qui tuent les pauvres amérindiens, la fusée coupable, la NATURE faut pas toucher, ah non ! » , dégagez. Zone complexe.
La Forêt devrait fermer la gueule à cette piétaille cultivée comme un sillon trop droit. On ne transige pas avec un coup de poing. Une ecchymose ne sera jamais une manière de voir.
La forêt c’est la stupeur, la suggestion, l’absolue majesté.
Une force originelle, prodigue et brutale.
Pour les natifs, elle n’est pas une histoire dans la tête mais une vérité du sang. Avec ses arrêts, ses décrets, ses secrets, ses fruits sucrés et ses lentes pourritures.